jeudi 13 janvier 2011

Comment lire les Maths ? par Shai Simonson et Fernando Gouvea


La mathématique est « un langage qui ne peut être lu ni compris sans un minimum d’initiation. »

Un « protocole de lecture » est un ensemble de stratégies qu’un lecteur  doit appliquer pour avoir une pleine compréhension de la lecture d’un texte. La poésie a beaucoup plus besoin d’utiliser différentes sortes de stratégies qu’un roman, et un roman a besoin de beaucoup plus d’éléments qu’un texte non fictif. Ce serait ridicule de lire un roman et de se demander sur quelles sources  l’auteur se base-t-il pour affirmer que le héros soit blond et bronzé ; mais ce serait une erreur de lire un texte non fictif et de ne pas se poser une telle question. Ce protocole de lecture s’élargit vers un protocole d’écoute ou de regard en art et en musique. En effet, la plupart des cours introductifs en littérature, en musique et en art sont consacrés à enseigner  ces protocoles.

Les maths ont un protocole de lecture propre à eux même, et tout comme on apprend à lire la littérature, on devrait aussi apprendre à lire les maths. Les étudiants ont besoin d’apprendre comment lire les maths, de la même façon qu’ils apprennent à lire un roman ou un poème, écouter de la musique, ou admirer un tableau. « Emblems of mind » d'Ed Rothstein, un livre fascinant qui met l’accent sur le rapport entre les maths et la musique, parle de façon implicite des protocoles de lecture pour les maths.

Lorsqu’on lit un roman, nous sommes absorbés par l’histoire et les personnages. Nous essayons de suivre chaque épisode et comment chacune d’elles affectent le développement des personnages. Nous nous assurons que les personnages deviennent  réels, aussi bien ceux que nous admirons que ceux que nous méprisons. Nous ne nous arrêtons pas à chaque mot, mais nous les imaginons comme un coup de pinceau sur un tableau. Même si on n’est pas familier avec un mot particulier, nous pouvons toujours comprendre la situation. On s’arrête rarement pour réfléchir à des phrases et  expressions  particulières. On laisse plutôt l’histoire suivre son cours en nous menant rapidement vers la fin. C’est une expérience enrichissante, relaxante et qui fait réfléchir.

Les romanciers décrivent fréquemment les personnages en les impliquant dans des anecdotes bien choisies, plutôt que de les décrire avec des adjectifs bien choisis. Ils décrivent un aspect, puis un autre, puis ils reviennent sur le même aspect mais vu sous un autre angle et ainsi de suite, pour que l’image toute entière se développe et devienne le centre d’intérêt. C’est la façon de communiquer des pensées complexes défiant toutes définitions précises.

Les idées en maths sont de nature précise et bien définie, ainsi une description précise est possible dans un espace de temps très court. Ainsi, l’article de maths et le roman, tous les deux, racontent une histoire et développent des idées complexes, mais l’article de math fait le travail avec une très faible fraction de mots et de symboles par rapport à ce que le roman utilise. La beauté d’un roman se trouve dans la manière esthétique d’utiliser le langage pour évoquer des émotions et présenter des thèmes qui défient toute définition précise. La beauté dans un article de mathématiques se trouve dans la manière élégante et efficace de décrire de manière concise les idées précises d’une grande complexité.

Quelles sont donc les erreurs fréquentes que les gens font en essayant de lire les maths ? Comment peut-on corriger ces erreurs ?

Ne manquez pas l'idée générale

« Lire les maths n’est pas du tout une expérience linéaire… Comprendre le texte requière des feed-back, une lecture rapide, des pauses et une/des relecture(s). »

Ne croyez pas que comprendre chaque phrase va vous permettre de comprendre l’idée générale. C’est comme si vous essayez de voir un tableau en regardant fixement chaque centimètre carré de celui-ci le nez sur la toile. Vous verrez les détails, la texture, et les couleurs mais vous ne verrez pas la toile dans toute sa totalité. Un article de math raconte une histoire. Essayez d’abord de voir quelle est l’histoire avant de fouiller dans les détails. Vous pourriez regarder les détails de plus près lorsque vous aurez construit un cadre général de compréhension.  Faites ceci juste comme si vous alliez relire un roman.

Ne soyez pas un lecteur passif

« Une preuve de trois lignes d’un subtil théorème est le résultat de plusieurs années de recherche. Lire les maths… implique un retour sur la réflexion qui a mené au  théorème. »

Trouvez des exemples pour avoir des modèles. Essayez les cas particuliers.

D’habitude, un article de math raconte seulement une petite partie d’une plus grande et plus longue histoire. Normalement, l’auteur passe des mois pour découvrir quelque chose en passant par des voies sans issue. Enfin, il organise tout cela en une histoire qui dissimule toutes les erreurs (et toutes les motivations qui y sont liées), et présente l’idée complète en un flot impeccable et habile. La façon pour comprendre réellement l’idée est de recréer ce que l’auteur a  omis. Lisez entre les lignes.

Les maths disent beaucoup avec peu de choses. Le lecteur a l’obligation de participer. A chaque étape, il/elle devrait décider si l’idée présentée est claire ou pas. Posez- vous les questions suivantes :
-     Pourquoi l’idée est elle vraie ?
-     Est-ce que je crois vraiment qu’elle soit vraie ?
-     Pourrais-je convaincre une autre personne que l’idée est vraie ?
-     Pourquoi l’auteur n’a pas utilisé un argument différent ?
-     Est-ce-que j’ai un meilleur argument ou une meilleure méthode pour expliquer l’idée ?
-     Pourquoi l’auteur ne l’a pas expliqué de la manière dont je le comprends ?
-     Est-ce que ma manière de comprendre est fausse ?
-     Est-ce que j’ai vraiment compris l’idée ?
-     Est-ce que j’ai manqué quelques subtilités ?
-     Est-ce que cet auteur a manqué une subtilité ?
-     Si je ne peux pas comprendre un point essentiel, peut-être que je pourrais comprendre une idée similaire mais plus simple ?
-     Quelle est cette idée plus simple ?
-     Est-ce que c’est vraiment nécessaire de comprendre cette idée ?
-     Est-ce que je peux accepter l’idée sans comprendre les détails du pourquoi est-elle vraie ?
-     Est-ce que ma compréhension de toute l’histoire souffre de mon incapacité à comprendre pourquoi l’idée est vraie ?

Mettre trop peu d’efforts dans cette participation est comme lire un roman sans être concentré. Après une demi-heure, vous vous réveillerez pour réaliser que les pages ont tourné, mais que vous n’avez fait que rêvasser et que vous ne vous souviendrez plus de ce que vous aviez lu.

Ne lisez pas trop vite

Lire les maths trop vite va vous frustrez. Une demi-heure de concentration dans un roman pourrait donner une moyenne de 20 à 60 pages de compréhension totale pour le lecteur, en fonction du roman et de l’expérience du lecteur. La même durée pour un article de math vous donne 0 à 10 lignes en fonction de l’article et de votre expérience à lire les maths. Rien ne remplace le travail et le temps. Vous pouvez accélérer votre compétence à lire les maths en pratiquant plus, mais soyez prudent. Comme n’importe quelle compétence, essayer d’aller trop vite pourrais vous faire reculer et tuer votre motivation. Imaginez que vous essayez de faire une heure d’aérobic intense alors que vous ne vous êtes pas entraîner depuis 2 ans. Vous pourriez arriver à le faire pendant le premier cours, mais vous n’allez probablement plus revenir. La frustration provenant de la vue des membres plus expérimentés, qui sans effort font deux fois plus que vous, tandis que le lendemain vous vous plaindrez de douleur, est trop difficile à supporter.

Par exemple, considérez le théorème suivant tiré du manuscrit Maaseh Hoshev (L’art du Calcul) de Levi Ben Gershon, écrit en 1321.

« Lorsqu’on ajoute des nombres consécutifs commençant par 1, et le nombre des nombres qu’on ajoute est impair, le résultat est égal au produit du nombre du milieu parmi ces nombres même multiplié par le dernier nombre. » Il est naturel pour un mathématicien des temps modernes de l’écrire comme suit :

                            
Le lecteur devrait prendre autant de temps aussi bien pour dénouer la version courte (formule) que la version longue (phrase). Un exemple du théorème de Levi est : 1+2+3+4+5 = 3 x 5.

Appropriez-vous l’idée

La meilleure façon pour comprendre ce que vous lisez est de l’exprimer avec vos propres mots. Cela signifie comprendre l’idée depuis son origine, et la redécouvrir par vous-même. Les mathématiciens disent souvent que pour comprendre une chose, il faut tout d’abord la lire, ensuite l’écrire avec ses propres mots, et puis l’expliquer à une autre personne. Tout le monde a différents instruments et différents niveaux pour déchiffrer des idées complexes. Rendez l’idée appropriée à votre propre perspective et à votre propre expérience.

« Lorsque j’utilise un mot, il signifie juste ce que je veux qu’il signifie pour moi » (Humpty Dumpty à Alice dans le livre « De l’autre côté du miroir » par Lewis Caroll).

«Il est rare que la signification soit  complètement transparente parce que chaque symbole ou chaque mot représente déjà une extraordinaire  condensation de concept et de référence. »

Un bon texte de math fera attention en utilisant un mot pour une seule signification seulement : il fait une distinction, entre combinaison et permutation (ou arrangement). Une définition strictement mathématique impliquera que « chien enragé jaune » et « chien jaune enragé » sont différents arrangements de mots mais la même combinaison de mots. La plupart des personnes parlant le Français ne seraient pas d’accord. Cette précision extrême est complètement étrangère à la plupart des romans et des poèmes, où l’utilisation de mots multiples, de synonymes et de descriptions variées est de rigueur.

On s’attend à ce que le lecteur sache qu’une valeur absolue ne concerne pas une valeur qui se trouve être absolue, ni une fonction se rapportant à une chose fonctionnelle.

Un exemple connu est l’utilisation de « il s’ensuit facilement que ». Il signifie quelque chose comme :

On peut maintenant vérifier que le propos suivant est vrai avec un certain nombre de vérifications essentiellement mécaniques, toutefois peut-être laborieuses. Moi, l’auteur, je pourrais le faire, mais cela prendrait une grande quantité de place et peut-être n’accomplirais pas grand-chose, puisqu’il serait préférable pour vous de continuer et de faire le calcul vous-même pour clarifier ce qui se passe vraiment ici. Je promets qu’aucunes idées nouvelles n’y sont impliquées, cependant bien sûr, vous pourriez peut-être avoir besoin de réfléchir un peu afin de trouver juste la bonne combinaison d’idées à appliquer.

En d’autres termes, la construction, lorsque utilisée correctement, est un signal pour le lecteur que, la chose dont on parle ici est peut-être fastidieuse et même difficile, mais ne requière pas une profonde perspicacité. Le lecteur est donc libre de décider si le niveau de compréhension qu’il/elle désire acquérir a besoin d’aller dans les détails ou se suffit en disant « Ok, j’accepte votre explication. »

Maintenant, sans prendre compte votre opinion à propos de « si cette construction devrait être utilisée dans une situation particulière », ou « si les auteurs l’utilisent toujours correctement », vous devriez comprendre ce qu’il est supposé vouloir dire. « il s’ensuit facilement que » ne veut pas dire

Si vous ne comprenez pas tout de suite, vous êtes une andouille,

ni

cela ne devrait pas vous prendre plus de deux minutes,

mais une personne qui ne connaît pas le jargon pourrait interpréter la phrase de manière erronée, et se sentir frustrée. Ceci ne tenant pas compte du problème que la tâche fastidieuse d’une personne est un challenge pour une autre personne, d’où l’auteur doit juger correctement son audience.

Connais-toi toi-même

Les textes sont écrits pour une audience spécifique. Assurez vous que vous êtes l’audience voulue, ou que vous ayez la volonté de faire ce que cela prend pour devenir cette audience voulue.

Un chant pour Siméon :

Seigneur, les hyacinthes Romaines sont en train de fleurir en boule et
Le soleil hivernal rampe doucement à côté des collines enneigées ;
La saison tenace a pris place.
Ma vie est délicate, attendant le vent de la mort,
Comme une plume sur le dos de ma main.
Des poussières dans les rayons de soleil et des souvenirs dans les coins
Attendent le vent qui se refroidit vers les terres mortes.

T.S. Elliot

Par exemple, le poème d’Elliot assume presque que soit son lecteur connaît qui était Siméon ou soit qu’il/elle a la volonté de le découvrir. On assume aussi que son lecteur serait quelque peu expérimenté dans la lecture d’un poème et/ou a la volonté de travailler pour acquérir ce genre d’expérience. Il assume que soit, ils savent ou qu’ils essayeront de découvrir les allusions citées ici. Ceci va au-delà du fait de connaître qui était Siméon. Par exemple, pourquoi les hyacinthes sont-elles Romaines ? Pourquoi est-ce important ?

Elliot assume que le lecteur lira doucement et qu’il fera attention aux images : il juxtapose poussières et souvenirs, associe vieillesse avec hiver, compare attendre la mort avec une plume sur le dos de la main, etc. Il assume que le lecteur reconnaîtra que ceci est un poème ; d’une certaine façon il assume que le lecteur est familier avec toutes les traditions poétiques.

Plus important encore, il assume que le lecteur lira non seulement avec l’esprit mais aussi avec ses émotions et son imagination permettant aux images d’évoquer ce vieil homme, fatigué de la vie mais qui s’accroche, attendant avec certitude l’arrivée de quelques événements cruciaux, de quelque chose qui va se produire.

La plupart des livres de math sont écrits avec une idée sur l’audience : qu’ils connaissent certaines choses, qu’ils ont un certain niveau de « maturité mathématique », etc. Avant de commencer à lire, soyez sûr que vous savez ce que l’auteur s’attend à ce que vous devriez savoir.

Un exemple de littérature mathématique

Pour qu’on puisse expérimenter les indications présentées ici, j’ai inclus une petite illustration mathématique qu’on appelle le paradoxe de l’anniversaire. La première partie est un article de mathématiques concis expliquant le problème et le résolvant. La seconde partie concerne un lecteur imaginaire qui tente de comprendre l’article en utilisant le protocole de lecture approprié. Le sujet de cet article concerne la probabilité et elle est accessible à un lecteur brillant et motivé sans aucune expérience dans ce domaine.

Le paradoxe de l’anniversaire

Un professeur d’une classe de 30 étudiants pris au hasard propose de faire un pari qu’il y a au moins dans la classe 2 personnes qui ont le même anniversaire (mois et jour, mais pas nécessairement l’année). Acceptez-vous le pari ? Et s’il y avait moins de personnes dans la classe ? Voudriez-vous parier ?

Supposons que les anniversaires de n personnes soient distribués uniformément sur 365 jours (pour simplification, supposons qu’il n’y a pas d’année bissextile). On prouve que, la probabilité pour qu’au moins deux d’entre eux ont le même anniversaire (mois et jour) est égal à :


Quelle est la chance pour que dans une salle de 30 personnes prises au hasard, il y a au moins deux ou plus qui ont le même anniversaire ? Pour n = 30, la probabilité pour qu’au moins un anniversaire correspond est de 71% à peu près. Cela signifie qu’avec 30 personnes dans votre classe, le professeur devrait gagner le pari 71 fois sur 100 à long terme. Cela signifie qu’avec 23 personnes, il devrait gagner à peu près 50% de fois.

Voici la preuve : soit P(n) la probabilité en question. Soit Q(n) = 1 – P(n) la probabilité pour que deux personnes n’aient pas le même anniversaire. Maintenant, calculez Q(n) en calculant le nombre de n anniversaires sans aucunes répétitions et divisez par le nombre total de n anniversaires possibles. Puis résolvez pour P(n).

Le nombre total de n anniversaires sans aucunes répétitions est :

      365 x 364 x 363 x … x (365 – n + 1).

Parce qu’il y a 365 choix pour le premier anniversaire, 364 pour le suivant et ainsi de suite pour n anniversaires. Le nombre total de n anniversaires sans aucune restriction est juste 365n parce qu’il y a 365 choix pour chacun des n anniversaires.
Donc, Q(n) est égal à :

      365 x 364 x 363 x … x (365 – n + 1)
                             365n

Résoudre P(n) donne P(n) = 1 – Q(n) et d’où notre résultat.

Les tentatives de notre lecteur pour comprendre le paradoxe de l’anniversaire

Dans cette section, un lecteur naïf essaye de donner un sens aux derniers paragraphes que nous venons de voir. La partie du lecteur est une métaphore pour le lecteur pensant à haute voix, et les commentaires du Professionnel représentent les recherches provenant du lecteur. Les protocoles appropriés sont centrés et mis en caractère gras à différents points de la narration.

Mon lecteur peut sembler comprendre les choses relativement vite. Cependant, soyez en sûr qu’en réalité beaucoup de temps ont passé entre chaque commentaire de mon lecteur, et que j’ai omis un bon nombre des remarques de mon lecteur qui explorent des voies sans issues. Pour comprendre ce que le lecteur expérimente demande beaucoup plus que de juste lire à travers ses lignes. Pensez que ses parties sont les plans de vos propres efforts.

Connais-toi toi-même

Lecteur (L) : je ne connais rien en probabilité, est-ce que je peux toujours m’en sortir ?
Professionnel (P) : faisons un essai. Il se peut que nous devions faire beaucoup de marches arrière à chaque étape.
L : que veut dire la phrase « 30 étudiants pris au hasard » ?

Lorsque j’utilise un mot, il signifie juste ce que je veux qu’il signifie pour moi

P : bonne question. Cela ne veut pas dire que nous avons 30 personnes farfelues ou écervelées. Cela veut dire que nous devons supposer que les anniversaires de ces 30 personnes sont indépendants des uns des autres et que chaque anniversaire a la même probabilité pour chaque personne. L’auteur l’écrit d’une manière plus technique un peu plus loin : « Supposons que les anniversaires de n personnes soient distribués uniformément sur 365 jours. »

L : Est-ce que ce n’est pas évident ? Pourquoi s’embêter à le dire ?

P : la supposition est en quelque sorte évidente. L’auteur présente juste le travail préparatoire. La phrase garantit que tout est normal et que la solution n’implique pas de quelconque imaginative ou d’extravagante science-fiction.

L : que voulez-vous dire ?

P : par exemple, l’auteur ne cherche pas de solution comme : tout le monde vit en Terre Libre et est né le 14 juillet, donc la chance pour que deux ou plusieurs personnes ont le même anniversaire est de 100%. Ce n’est pas le genre de solution que les mathématiciens aiment. Soit dit en passant, la supposition suggère aussi que nous ne comptons pas les années bissextiles. En particulier, personne dans ce problème n’est née le 29 février. Continue de lire.

L : je ne comprends pas cette longue formule, c’est quoi ?

P : l’auteur résout le problème pour tout nombre de personnes, pas juste pour 30. A partir de maintenant l’auteur va appeler le nombre de personnes n.

L : je ne comprends toujours pas. Alors, c’est quoi la réponse ?

Ne soyez pas un lecteur passif – Trouvez des exemples

P : bon, si tu veux trouver la réponse pour 30, met juste n = 30.

L : ok, mais cela parait compliquer à calculer. Où est ma calculatrice ? Voyons : 365 x 364 x 363 x … x 336. C’est ennuyeux, et la valeur finale exacte ne rentre même pas dans ma calculatrice. On lit : 2, 1710301835085570660575334772481e + 76
Si je ne peux même pas calculer la réponse une fois que je connais la formule, comment pourrais-je comprendre d’où vient la formule ?

P : tu as raison de croire que cette réponse est inexacte, mais en fait si tu continues et fais la division, ta réponse ne sera pas trop éloignée du résultat réel.

L : tout cela me met mal à l’aise. J’aurais préféré être capable de le calculer de manière plus exacte. Est-ce qu’il n’y a pas un autre moyen pour le calculer ?

P : combien de termes dans ton produit ? Combien de termes dans le produit du bas ?

L : vous voulez dire que 365 est le premier terme et que 364 est le second ? Il y a donc 30 termes. Il y a également 30 termes en bas (30 copies de 365).

P : peux-tu calculer la réponse maintenant ?

L :  oh, je vois. Je peux mettre deux par deux chaque terme d’en haut avec ceux du bas, et faire de 365/365 comme premier terme, puis le multiplié par 364/365, et ainsi de suite pour les 30 termes. De cette façon le produit ne sera jamais trop gros pour ma calculatrice. (Après quelques minutes)…Ok, j’ai obtenu 0,29368, arrondi à 5 chiffres.

P : que signifie ce nombre ?

Ne manquez pas l’idée générale

L : j’ai oublié ce que j’ai fait. Voyons. Je calculais la réponse pour n = 30. 0,29368 que je soustrais de 1. Si je continue toujours, j’obtiens 0,70632. Maintenant qu’est-ce que cela veut dire ?

P : connaître un peu plus sur la probabilité serait un atout, mais cela veut tout simplement dire que la chance pour que deux ou plus sur les 30 personnes ont le même anniversaire est de 70,632 sur 100,000 ou à peu près 71%.

L : c’est intéressant. Je n’aurais pas deviné. Vous voulez dire que dans ma classe de 30 étudiants, il y a pas mal de chance pour qu’au moins deux étudiants aient le même anniversaire ?

P : oui c’est cela. Tu devrais peut-être faire les paris avant de demander à tout le monde leurs anniversaires. Beaucoup de personnes ne pensent pas qu’un couple va apparaître. C’est pourquoi quelques auteurs appellent ce problème le paradoxe de l’anniversaire.

L : donc, c’est pour cela que je devrais faire des maths, pour se faire un peu de fric ?

P : je comprends pourquoi cela peut te motiver, mais j’espère que les maths t’inspirent aussi sans les perspectives monétaires.

L : je me demande quel serait la réponse pour les autres valeurs de n. Je vais essayer de faire d’autres calculs.

P : c’est une bonne idée. Nous pouvons même faire un dessin basé sur tes calculs. Nous pouvons tracer un graphe des nombres de personnes en fonction de la chance qu’un couple d’anniversaire apparaisse, mais peut-être qu’on pourrait le laisser pour une autre fois.

L : oh regarde, l’auteur a fait des calculs pour moi. Il dit que pour n = 30 la réponse est à peu près de 71% ; c’est ce que j’ai calculé également. Et pour n = 23 c’est à peu près 50%. Est-ce que cela veut dire quelque chose ? je devine que oui. Plus il y a de gens, plus la chance d’avoir le même anniversaire est grande. Hey, j’anticipe l’auteur. Pas mal du tout. Ok, continuons.

P : c’est bien, maintenant tu me dis quand continuer.

Ne lisez pas trop vite

L : il me semble que nous sommes près de la preuve. Ceci devrait expliquer pourquoi la formule marche. C’est quoi ce Q(n) ? je devine que P veut dire probabilité mais que veut dire Q ?

P : l’auteur définit une nouvelle chose. Il utilise Q parce que c’est la lettre juste après P, mais Q(n) est aussi une probabilité, et est lié étroitement à P(n). Il est temps de prendre une minute pour réfléchir. C’est quoi Q(n) et pourquoi est-ce égal à 1 – P(n) ?

L : Q(n) est la probabilité pour que deux personnes n’aient pas le même anniversaire. Pourquoi l’auteur s’en soucie-t-il ? Est-ce que nous ne voulons pas connaître la probabilité pour qu’au moins deux personnes aient le même anniversaire ?

P : bon point. L’auteur ne le dit pas explicitement, mais entre les lignes, tu peux déduire qu’il n’a aucune idée sur la façon de calculer directement P(n). A la place, il a introduit Q(n) qu’il suppose égal à 1 – P(n). Sans doute, l’auteur va procéder ensuite pour nous dire comment calculer Q(n). En passant, lorsque tu finiras cet article, tu voudrais peut-être traiter le problème en calculant P(n) directement. C’est une parfaite suite pour les idées présentées ici.

L : chaque chose en son temps.

P : ok. Alors, une fois qu’on connaît Q(n), quelle est la suite ?

L : alors nous pouvons avoir P(n). Parce que si Q(n) = 1 – P(n), donc P(n) = 1 – Q(n). D’accord, mais pourquoi Q(n) = 1 – P(n) ? Est-ce que l’auteur suppose que c’est évident ?

P : oui il le dit, mais le pire c’est qu’il ne nous dit même pas que c’est évident. Ceci est un principe de base : lorsqu’un auteur dit clairement que c’est vrai ou que c’est évident, alors prends 15 minutes pour te convaincre que c’est vrai. Si un auteur ne prend même pas la peine de dire cela, mais l’insinue seulement, prends plus de temps.

L : comment pourrais-je savoir quand dois-je m’arrêter et réfléchir ?

P : sois juste honnête envers toi-même. Quand tu doutes, arrête toi et réfléchis. Quand tu es trop fatigué va regarder la télé.

L : alors, pourquoi Q(n) = 1 – P(n) ?

P : imaginons un cas spécial. Si la chance d’avoir deux ou plus le même anniversaire est de 1/3, alors quelle est la chance de ne pas avoir deux ou plus ?

L : c’est 2/3, parce que la chance pour qu’une chose n’arrive pas est l’opposé de la chance que la chose arrive.

Exprimez l’idée par vos propres mots

P : bon, tu devrais faire attention quand tu dis quelque chose comme l’opposé, mais tu as raison. En faite, tu as découvert une des premières règles enseignées en cours de probabilité. A savoir que, la probabilité qu’une chose n’arrive pas est 1 moins la probabilité que la chose arrive. Maintenant, continue avec le paragraphe suivant.

L : ça semble expliquer pourquoi Q(n) est égal à cette longue formule. Je ne la comprendrais jamais.

P : la formule de Q(n) est difficile à comprendre et l’auteur compte sur ta diligence, ta persistance, et/ou ton expérience pour que tu puisses t’en sortir.

L : il a l’air de compter toutes les possibilités d’une chose et les divisent par le total de toutes les possibilités, quelque soit sa signification. Je n’en ai aucune idée.

P : peut-être qu’ici je peux te donner quelques bases avant que tu essayes de rentrer dans plus de détails. La probabilité d’apparition d’un type particulier de résultat est défini en mathématiques comme : le nombre total de façon possible que ce type de résultat peut apparaître divisé par le nombre total des résultats possibles. Par exemple, la probabilité que tu fasses un quatre lorsque tu lances un dé est de 1/6. Parce qu’il y a un 4 possible, et qu’il y a 6 résultats possibles. Quelle est la probabilité pour que tu fasses un trois ou un quatre ?

L : bon, je pense que c’est 2/6 (ou 1/3) parce que le nombre total de résultats est toujours 6 mais j’ai 2 résultats possibles qui marchent.

P : voici un exemple plus difficile. Quelle est la chance de faire une somme de quatre quand tu lances deux dés ? Il y a trois façons de faire un quatre (1-3, 2-2, 3-1) tandis que le nombre total de résultats possibles est 36. Ce qui donne 3/36 ou 1/12. Regarde ce tableau en 6x6 et convainc-toi.

1-1, 1-2, 1-3, 1-4, 1-5, 1-6
2-1, 2-2, 2-3, 2-4, 2-5, 2-6
3-1, 3-2, 3-3, 3-4, 3-5, 3-6
4-1, 4-2, 4-3, 4-4, 4-5, 4-6
5-1, 5-2, 5-3, 5-4, 5-5, 5-6
6-1, 6-2, 6-3, 6-4, 6-5, 6-6

Et la probabilité de faire un 7 alors ?

L : un moment. Que veut dire 1-1 ? Est-ce que ce n’est pas égal à zéro ?

P : désolé, c’est ma faute. J’utilisais le signe moins comme un trait d’union, juste pour signifier une paire de nombres, 1-1 signifie obtenir un 1 sur chaque dé –  double un.

L : ne pouviez-vous pas trouver une meilleure notation ?

P : peut-être que je pourrais/devrais, mais les virgules seraient encore pires, une barre ressemblerait à une division, et toute autre notation pourrait être aussi déroutante. Enfin, nous n’allons pas publier cette transcription.

L : c’est un soulagement. Bon, je sais ce que vous voulez dire maintenant. Pour répondre à votre question, je peux avoir sept de 6 façons ; par 1-6, 2-5, 3-4, 4-3, 5-2, ou 6-1. Le nombre total de résultats est toujours 36, alors j’obtiens 6/36 ou 1/6. C’est bizarre, pourquoi la chance de faire un 4 n’est pas la même que de faire un 7 ?

P : parce que chaque somme n’a pas la même probabilité. La situation serait très différente si nous tournons une roue avec les sommes de 2 à 12 énumérées sur des intervalles espacées régulièrement. Dans ce cas, chacune des 11 sommes aurait la probabilité 1/11.

L : ok, maintenant je suis un expert. Est-ce que la probabilité c’est juste compter ?

P : parfois oui. Mais compter des choses n’est pas toujours aussi facile.

L : je vois, continuons. Soit dit en passant, est-ce que l’auteur s’attendait vraiment à ce que je connaisse tout cela ? Mon ami fait de la Probabilité et Statistiques et je ne pense pas qu’il sache tous ces trucs.

P : il y a plein d’informations sous-entendues dans un petit passage de mathématiques. Oui, l’auteur s’attendait à ce que tu saches tout cela, ou de les découvrir par toi-même comme on vient de le faire. Si je n’avais pas été là, tu te serais demander toi-même toutes ces questions et les répondre en réfléchissant, en regardant des livres de références, ou en consultant un ami.

L : alors la chance qu’il y n’y ait pas deux personnes ayant le même anniversaire est le nombre de série possible de n anniversaires sans répétitions divisé par le nombre total des séries possibles de n anniversaires.

P : excellent résumé.

L : je n’aime pas utiliser n, alors permettez moi d’utiliser 30. Peut-être que la généralisation à n serait plus facile à comprendre.

P : très bonne idée. Il est souvent efficace de regarder un cas particulier avant de comprendre le cas général.

L : alors, combien de série de 30 anniversaires y-a-t-il en total ? Je ne peux pas faire cela. Je pense que j’ai besoin de me restreindre encore plus. Imaginons qu’il n’y ait que deux personnes.

P : bien. A présent tu penses comme un mathématicien. Essayons n = 2. Combien de série de 2 anniversaires y-a-t-il au total ?

L : je numérote les anniversaires de 1 à 365 et ne considère pas les années bissextiles. Voici alors toutes les possibilités :

1-1, 1-2, 1-3, ... , 1-365,
2-1, 2-2, 2-3, ... , 2-365,
...
365-1, 365-2, 365-3, ... , 365-365.

P : lorsque tu écris 1-1, est-ce que tu veux dire 1-1 = 0, comme en soustraction ?

L : arrêtez de me taquiner. Vous savez exactement ce que je veux dire.

P : oui je le sais, et bon choix de notation puis-je ajouter. Maintenant, combien de paires d’anniversaires y a-t-il ?

L : il y a 365 x 365 possibilités au total pour deux personnes.

P : et combien y a-t-il lorsqu’il n’y a pas d’anniversaires dupliqués ?

L : je ne peux pas prendre 1-1, ou 2-2, ou 3-3, … 365-365, alors j’obtiens

1-2, 1-3, ... , 1-365,
2-1, 2-3, ... , 2-365,
...
365-1, 365-2, ... , 365-364

Le nombre total ici est de 365 x 364 car chaque rangée a maintenant 364 paires au lieu de 365.

P : bien. Tu vas un peu trop vite là mais tu as 100% raison. Peux-tu maintenant généraliser pour 30 ? Quel est le nombre total de séries possibles de 30 anniversaires ? Devine. Tu deviens bon à ce jeu.

L : bon, si je dois deviner, (ce n’est pas vraiment une devinette, après tout, je connais déjà la formule), je dirais que pour 30 personnes vous obtenez 365 x 365 x 365 x … x 365 30 fois, pour le nombre total de séries possibles d’anniversaires.

P : exactement. Les mathématiciens l’écrivent 36530. Et quel est le nombre de séries possibles de 30 anniversaires sans aucunes répétitions ?

L : je sais que la réponse devrait être 365 x 364 x 363 x 362 x … x 336, mais je ne suis pas sûr que je comprenne pourquoi c’est vrai. Peut-être que je devrais faire le cas avec 3 personnes d’abord, et ensuite pour 30 ?

P : formidable idée. Arrêtons-nous ici. Tu as compris la marche à suivre. Quand tu te seras reposé et que tu auras plus de temps, tu pourras revenir compléter cette dernière partie.

L : merci beaucoup ; c’était une sacrée expérience. A plus tard.

1. Emblems of Mind, Edward Rothstein, Avon Books, page 15.
2. ibid, page 16.
3. ibid, page 38
4. ibid, page 16.


Cet article est un extrait du livre  Rediscovering Mathematics de Shai Simonson et a été traduit par mes soins afin que les internautes francophones puissent aussi en profiter. La version anglaise de cet extrait se trouve à http://web.stonehill.edu/compsci/History_Math/math-read.htm

3 commentaires:

Rickantonais a dit…

Super article ! Merci pour la très bonne traduction ! ça évite un double de travail de traduction personnel et de compréhension du message en lui-même ^^
Vraiment très enrichissant !

An Tí a dit…

A votre service!!

Anonyme a dit…

merci pour cette page.
est-ce que vous connaitriez une bonne page expliquant toute la syntaxe de l'écriture / les conventions d'écriture de 'constantes' ou d'ensemble ? pour tout x dans n, écriture de suite, matrice, log etc ?
je fais beaucoup de programmation avec divers language mais j'ai du mal a déchiffrer cette langue / trouver de la bonne documentation.